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Folklore Japonais


Okiku et Oiwa

   Si l'on vous parle d'un fantôme, hermaphrodite ou féminin, vêtu de blanc, aux cheveux noirs longs et défaits et au visage soit blême, soit déformé, vous aurez sans doute en tête les images de quelques films d'horreur japonais. Si on ajoute qu'il sort d'un puits, vous songerez sûrement plus précisément au personnage de Sadako. Mais derrière ces apparitions contemporaines se cache une longue histoire.

 

C'est au VIIIe siècle qu'apparaît pour la première fois au Japon l'idée de défunts revenant sur Terre pour faire payer leurs morts violentes à leurs bourreaux. Leur vengeance peut revêtir différentes formes et consister en une maltraitance physique, un meurtre, une torture psychologique voire une catastrophe climatique, mais il existe heureusement divers moyens de les contrer. L'apparence des onryo, de ces esprits vengeurs, n'est d'abord pas clairement définie mais des siècles plus tard, le théâtre kabuki instaure un code que le cinéma japonais reprendra avec, par exemple, la figure de Sadako dans le roman et le film d'horreur Ring. Le théâtre kabuki fait son apparition à l'époque d'Edo, soit au XVIIe siècle lorsque Edo, l'ancienne Tokyo, devient la capitale. Il se distingue du théâtre nô par le fait que les acteurs sont maquillés et non masqués, et bien que sa créatrice soit une femme, il est exclusivement masculin depuis 1653 et ne s'ouvre que lentement à la mixité. Comme un seul acteur incarne souvent plusieurs personnages, le théâtre kabuki met en place des costumes facilement reconnaissables par le spectateur. C'est ainsi que les esprits vengeurs se parent d'un kimono blanc d'enterrement ou d'une robe blanche déchirée, de longs cheveux noirs détachés et non peignés et d'un visage blême.

 

Okiku et Oiwa sont deux onryo parmi les plus célèbres. Elles font leurs premiers pas sur scène en 1824 et 1825 dans les pièces de kabuki Bancho Sarayashiki etYotsuya Kaidan. Leurs représentations graphiques les plus connues sont celles du "Vieux Fou de Dessin", Katsushika Hokusai, à qui l'on doit l'estampe La Grande Vague de Kanagawa (1831) et qui a pour la première fois l'idée de donner à Okiku un corps composé d'assiettes de porcelaine. Mais qui sont ces deux femmes aux destins tragiques ? Laissez-moi vous conter leurs histoires.

 

*Okiku et Oiwa par Katsushika Hokusai (1831-32)*

 

Au XIXe siècle la servante dévouée Okiku travaillait pour le cruel Shuzen. Un jour, alors qu'elle le nettoyait, elle brisa l'une des dix assiettes d'un précieux service en porcelaine. Consciente du mauvais caractère de son maître et tremblante de peur, elle s'en fut trouver son épouse pour lui avouer sa maladresse. La femme prévint son mari qui entra dans une colère noire et ne toléra pas l'erreur de sa servante. Quelques variantes de cette histoire veulent qu'Okiku ait refusé les avances que son maître lui fit alors. Il aurait été prêt à lui pardonner la perte d'un objet de valeur contre le don de son corps, mais qu'elle ait souhaité conserver son honneur ou qu'il ne lui ait pas offert d'issue de secours, il la ligota, l'enferma dans un placard, et pour son crime revint chaque jour lui couper un doigt. Okiku finit par se détacher et, agonisante, se précipita dans le jardin où elle s'arrêta devant le puits. Elle s'y jeta pour abréger ses souffrances et se noya. Chaque nuit depuis lors, son fantôme surgit du puits, pénétra dans la demeure de Shuzen, et compta les assiettes. Une, deux, jusqu'à neuf. Et la dizième manquant, le fantôme d'Okiku fondit en larmes. Ses lamentations rendirent Shuzen chaque jour un peu plus fou.

 

Quelques décennies plus tard, une femme du nom d'Oume s'éprit d'Iemon, un samouraï sans maître qui était déjà marié à Oiwa. Face à cette jeune fille d'une grande beauté, enceinte de l'enfant d'Iemon et pourtant moins riche qu'elle, Oume se sentait inférieure et doutait du fait qu'Iemon la regarderait un jour. Mais c'était sans compter sur le soutien de sa famille qui, pour lui permettre de toucher le coeur de son aimé, envoya à Oiwa une crème pour le visage réputée miraculeuse. Elle avait au préalable mêlé au produit un poison local puissant qui brûla le visage d'Oiwa et la défigura complètement. Et comme il est bien connu qu'une femme n'a d'intérêt que si elle est belle, Iemon, en découvrant le massacre, entreprit de l'obliger à divorcer. Mais pour cela il avait besoin d'un prétexte juridiquement valable, aussi il envoya Takuetsu, le propriétaire de la maison close dans laquelle travaillait la soeur d'Oiwa, violer son épouse. Il espérait ainsi l'accuser d'infidélité. Mais Takuetsu se contenta de donner un miroir à Oiwa qui, voyant ce qu'était devenu son visage, voulut se tuer. Elle y parvint accidentellement en tombant sur l'épée qu'elle avait ramassée. Une autre version de l'histoire accuse directement son mari de l'avoir poussée du haut d'une falaise. Dans les deux cas, Oume obtint ce qu'elle convoitait et s'apprêta à devenir la femme d'Iemon - une femme riche a toutes les chances de toucher le coeur d'un homme ambitieux et cupide. Mais la veille de leur mariage, Iemon aperçut sur la lanterne qui éclairait leur chambre le visage déformé de Oiwa. Il poussa un cri et dégaina son épée, mais l'image s'estompa jusqu'à disparaître et il se persuada qu'il avait été victime de sa fatigue. Le lendemain pourtant, alors qu'il soulevait le voile d'Oume pendant la cérémonie, il fit face à son ancienne épouse, la peau du visage pendante, l'oeil gauche tuméfié et les cheveux brûlés. Terrifié, il lui trancha la tête d'un coup d'épée. Mais c'est bien évidemment le corps sans vie d'Oume qui roula sur le sol. Iemon s'enfuit et, dans sa course, massacra une deuxième fois Oiwa avant de s'apercevoir que la personne qu'il avait abattue était cette fois le grand-père d'Oume, l'un de ceux qui avaient mis au point le poison destiné à Oiwa. Il trouva refuge dans la montagne mais Oiwa le suivit et, jusqu'à ce qu'il sombre dans la folie puis soit assassiné, il combattit le fantôme de son ancienne épouse.

 

Faîtes de beaux rêves.

 

 

 

/Spawy 

 


14/06/2018
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Bakeneko et compagnie

   Bien le bonjour à vous ! Aujourd’hui nous allons causer de deux choses dont je sais que vous raffolez : le folklore japonais et les chats. Et vous êtes fort chanceux car aujourd’hui nous ne traiterons pas d’un, ni deux, mais de trois yôkai en même temps !

 

Si je vous dis Japon et chats, d’aucuns risquent fort de me répondre « nekogirls ». Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Non, aujourd’hui nous allons parler du Bakeneko, littéralement « monstre-chat » ou « chat changé ». Il s’agit en effet d’un chat aux pouvoirs magiques qui, comme le Kitsune ou le Tanuki, peut prendre forme humaine. Il acquiert ses pouvoirs en remplissant au moins une de ces trois conditions (et plus il en satisfait, plus de chances il a d’en avoir) : arriver à l’âge canonique de 13 ans, faire un poids d’un kan (environ 3,5 kg), avoir une très longue queue. Du moment où il acquiert ses pouvoirs, on le considère comme un esprit. Et cet esprit n’est pas, au contraire du Tanuki, gentil. Il hante son foyer, faisant des misères à ses anciens propriétaires. Et pas des petites misères : il crache des boules de feu, essaye de dévorer son propriétaire et, le cas échéant, peut vouloir prendre sa place (puisqu’il est capable de se transformer en humain). On dit du Bakeneko qu’il adore laper l’huile de lampe (à l’époque celle-ci était faite à base de graisse de poisson), donc vous saurez que vous pourrez le divertir avec ça, le temps de vous enfuir.

 

Je vous ai promis plusieurs créatures dans cet article et nous enchaînons de suite avec le deuxième, qu’on appelle le Nekomata. Ce dernier a exactement les mêmes attributs que le Bakeneko sinon qu’il lui faut impérativement avoir une longue queue. En effet la queue du Bakeneko, si elle est assez longue, peut parfois se scinder en deux, créant ainsi le Nekomata. C’est la seule différence entre les deux.

 

Ils ont aussi une particularité que je n’évoque que maintenant car elle est beaucoup plus présente chez notre troisième petit monstre : la marche bipède. Bakeneko et Nekomata sont connus pour marcher debout mais c’est bien le Maneki-neko qui est le grand représentant de cette pratique. C’est d’ailleurs le Maneki-neko qui est le chat esprit le plus célèbre du Japon, et ce tout autour du monde. Vous allez me dire que vous n’avez jamais entendu ce nom de bestiole, et je le comprends bien puisque moi-même je l’ai découvert en faisant mes recherches pour l’article. Et pourtant on en a tous vu : une description dans un livre, une scène dans un film, un aperçu dans une boutique. En effet, dès qu’il y a une boutique chinoise, on en voit généralement un. Le Maneki-neko est en fait un Bakeneko mais gentil. Ainsi, au lieu de représenter le péril du foyer, il est considéré comme un porte-bonheur qui apporte à son foyer la bonne fortune, ce pourquoi on le place à l’entrée d’une maison ou d’une boutique. Et oui, c’est cette petite statuette de chat, généralement accroupi, qui lève une patte et dont la patte fait un mouvement continu d’avant en arrière. Vous saurez maintenant qu’il est japonais et non chinois.

Voilà qui est fait pour la boule de poils la plus prisée des internets. Je vous laisse donc pour cette fois, bisous les gens.

 

 

 

/Le Prof

 


16/06/2018
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