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L'Epopée de Gilgamesh


Article préliminaire : Lugalbanda et Ninsun

   Selon la liste royale sumérienne, Lugalbanda est censé avoir régné sur Uruk, ville de l'ancienne Mésopotamie actuellement appelée Warka et se situant en Irak, pas moins de mille deux cent ans (ce qui rend son existence réelle légèrement douteuse, si vous me permettez). Alors qu'il n'était qu'un jeune officier de l'armée d'Uruk et marchait vers une cité ennemie, Lugalbanda tomba si malade que ses camarades de guerre le laissèrent pour mort dans une caverne, prévoyant de récupérer son corps pour lui offrir une sépulture à leur retour. Peu avant de s'éteindre, Lugalbanda offrit une partie de la nourriture qu'il avait gardée avec lui aux dieux AnuEnki et Ninurshag, et pria le dieu du soleil Shamash (Utu de son nom sumérien). Cela fonctionna. Les dieux le prirent en pitié et il fut ramené à la vie. 

Constatant qu'il était encore éveillé et se sentait soudain mieux, Lugalbanda prit la route, avec en tête l'idée de rattraper sa troupe. Mais alors qu'il marchait dans la montagne, il tomba sur le nid d'un oiseau. Dans celui-ci, il aperçut un frêle oisillon qui semblait affamé et, après un temps d'hésitation, il décida de nourrir l'animal.

C'est à cet instant que revint le père du petit : Anzû (Zou de son nom sumérien), l'oiseau-tonnerre. Quand il s'aperçut que Lugalbanda avait pris soin de son fils, il décida de le remercier en exauçant l'un de ses vœux. Lugalbanda lui demanda force et vitesse, afin de devenir le meilleur des soldats. L'oiseau-tonnerre lui révéla qui-plus-est que la force de la ville que ses compagnons étaient en train d'assiéger résidait dans... Un poisson ! Il suffisait que les soldats tuent et mangent ledit poisson, pour que la ville ennemie s'effondre. Comme quoi, il s'en faut parfois de peu. Fort de ces renseignements et de ses nouveaux pouvoirs, Lugalbanda poursuivit son chemin et atteignit rapidement la cité assiégée.

 

La suite du récit est perdue, malheureusement (et oui, moi aussi, j'ai été coupée en plein suspens, je sais que c'est frustrant), mais il est fort probable que Lugalbanda réussit à dévorer le poisson et fut ainsi proclamé roi d'Uruk, pour la durée que l'on sait. Il est certain cependant qu'il rencontra la déesse Ninsun. Sage, omnisciente et capable d'interpréter les rêves, Ninsun était la "dame de la vache sauvage" (certes, on fait mieux comme titre). Lugalbanda en tomba amoureux et l'épousa, faisant d'elle la reine d'Uruk. De leur union naquit Gilgamesh, dont vous n'avez pas fini d'entendre parler. Il s'agit en effet du principal héros de la mythologie mésopotamienne !

 

Afin de ne pas vous perdre dans les multiples noms que j'ai évoqués, voici de nouveau l'arbre généalogique que j'avais créé pour les dieux :

 

Arbre généalogique mésopotamie.JPG

 

 

 

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28/06/2016
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L'Epopée de Gilgamesh : Présentation de Gilgamesh

   Perdue depuis la fin de la civilisation mésopotamienne, l'Epopée de Gilgamesh est exhumée des bibliothèques d'Assourbanipal, à Ninive, dans la seconde moitié du XIXème siècle. Récit épique faisant partie des plus anciennes œuvres littéraires de l'humanité, l'Epopée est rédigée sur douze tablettes relatant la vie héroïque du roi semi-légendaire Gilgamesh. Elles comportent par ailleurs la première allusion au Déluge, évènement majeur du texte de la Bible. Leur traduction constitue donc une petite révolution, puisque c'est en 1872 que l'anglais George Smith, fort de cette découverte, tisse les premiers liens entre la tradition biblique et la mythologie mésopotamienne. Voici une brève description du contenu de chaque tablette :

 

   Tablette 1 - Présentation de Gilgamesh et d'Enkidu
   Tablette 2 - Rencontre de Gilgamesh et d'Enkidu
   Tablette 3 - Décision d'aller combattre Humbaba; inquiétude d'Enkidu et du peuple 
   Tablette 4 - Voyage vers la Forêt des Cèdres
   Tablette 5 - Combat contre Humbaba, le gardien de la Forêt des Cèdres
   Tablette 6 - Combat contre le Taureau céleste
   Tablette 7 - Lamentations d'Enkidu
   Tablette 8 - Agonie et mort d'Enkidu
   Tablette 9 - Gilgamesh part à la recherche de l'immortalité
   Tablette 10 - Rencontre de Gilgamesh avec Siduri, Urshanabi, et Utanapishtim
   Tablette 11 - Récit du déluge
   Tablette 12 - Evocation du monde infernal

 

 

  Le récit débute alors que Gilgamesh règne sur Uruk après avoir succédé à son père Lugalbanda, vers 2600 av. JC. Il est présenté comme un personnage hors du commun, exceptionnellement fort, grand et beau, et surnommé "celui qui surpasse les autres rois" ou "celui qui a tout vu". Il passe pour être aux deux tiers dieu, grâce au sang de sa mère Ninsun. Et il est tellement impressionnant, qu'il n'a même pas besoin de combattre pour remporter des batailles... En effet, un jour, Gilgamesh reçut un émissaire de la cité voisine, appelée Kish et dirigée par le puissant roi Agga. L'homme portait un message qui, sous forme d'ultimatum, encourageait Uruk à devenir la vassale de Kish. Gilgamesh, au tempérament fier, songea à refuser sur le champ. Mais il consulta d'abord son Parlement, qui était constitué de deux chambres : l'une réunissant les sages anciens de la cité, et l'autre, les hommes jeunes et vigoureux, premiers concernés par le déclenchement d'une guerre puisqu'en âge de se battre. Les anciens refusèrent nettement le combat et proposèrent de se soumettre. Mais les jeunes, au contraire, soutinrent Gilgamesh et lui promirent de se battre pour lui. Cela ne fit que renforcer la conviction du roi, qui renvoya l'émissaire avec une réponse négative.

Immédiatement, les troupes du roi Agga assiégèrent la ville d'Uruk. Plus puissantes que celles de Gilgamesh, elles semblèrent en passe de vaincre et de s'emparer de la cité. Mais alors qu'ils devenaient confiants, les soldats d'Agga levèrent la tête vers les remparts, où quelqu'un venait de faire son apparition. Ils aperçurent Gilgamesh. Et la terreur s'empara d'eux. La taille et la force du roi leur firent jeter les armes et Agga se retrouva contraint de faire la paix avec son ennemi. C'est ainsi qu'un homme seul, sans combattre et sans parler, vint à bout d'une armée.



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29/06/2016
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L'Epopée de Gilgamesh : Naissance d'Enkidu

   Rapidement convaincu de sa force, Gilgamesh se mit à régner sur Uruk tel un tyran.

 

"Dans l’enceinte d’Uruk, il va et vient, la tête altière, Pareil à un buffle, Il étale sa force, Rien de comparable au choc de ses armes ; Son escorte toujours sur pieds, à ses ordres ; Il opprime les guerriers d’Uruk comme un tyran." disent de lui les tablettes.

 

Son peuple, lassé, pria alors les dieux de le ramener dans le droit chemin. Il fut entendu par Enki, qui se rendit dans le désert pour y fabriquer un être d'argile inspiré d'Anu et de Ninhushag. Il le nomma Enkidu, ce qui signifie "créature d'Enki" (il n'avait pas beaucoup d'inspiration ce jour-là), puis il lui donna pour tâche de devenir le rival de Gilgamesh. Il lui conféra une grande force et assez de vitesse pour suivre les troupeaux d'animaux fuyant devant les prédateurs. Mais Enkidu n'était pas aussi éveillé qu'un être humain et il allait avoir besoin de temps pour atteindre le degré de civilisation nécessaire à son entrée dans la ville d'Uruk. A l'image des premiers hommes, il était abondamment velu et incapable de parler. Il rencontra un groupe de gazelles, auprès duquel il apprit à brouter et à boire l'eau des rivières et des oasis. Les animaux sauvages devinrent ses premiers amis et grâce à ses mains plus développées que leurs pattes, il les protégea en retirant tous les pièges des chasseurs d'Uruk. C'est ainsi qu'il fut repéré. Les chasseurs coururent se plaindre auprès de Gilgamesh, qui fomenta un plan pour attirer l'homme sauvage à sa cour. Plutôt que de le tuer, il décida de le pervertir en lui envoyant la courtisane Shamat, une prostituée sacrée dédiée à la déesse Ishtar.

Enkidu passa six jours et sept nuits auprès de Shamat, à découvrir la sexualité et, par là, sa propre humanité. Il vécut la plus belle semaine de sa vie mais, lorsqu'il voulut saluer Shamat et retourner à la vie sauvage, les gazelles ne le reconnurent plus. Quand il s'approcha, elles s'enfuirent, l'assimilant aux chasseurs qui les tourmentaient.

 

"La courtisane Shamhat enlève ses vêtements, dévoile ses seins, dévoile sa nudité et Enkidu se réjouit des charmes de son corps. Elle ne se dérobe pas, elle provoque en lui le désir. Enkidu tombe sur elle. Elle apprend à ce sauvage en quoi réside la force de la femme. Il la possède en rut et s'attache à elle, six jours et sept nuits. Lorsqu’il est rassasié de son buisson parfumé, il revient vers ses compagnons mais en le voyant les gazelles se détournent de lui et les bêtes sauvages le fuient."

 

Ne pouvant plus retourner chez lui, Enkidu n'eut d'autre choix que de suivre Shamat jusqu'à Uruk. Sur le trajet, elle lui fit goûter des aliments travaillés par l'homme et lui permit de boire de la bière. A ce contact il s'éveilla encore un peu. Survinrent alors les premiers rêves envoyés par le dieu Enki. Alors qu'il se reposait, le trajet jusqu'à Uruk durant plusieurs jours, Enkidu vit en songe qu'il allait devoir affronter Gilgamesh. Le roi eut la même vision et consulta sa mère Ninsun, capable d'interpréter les rêves, qui lui confirma qu'il s'agissait d'une prémonition.

 

2.jpg



Enkidu atteignit finalement Uruk, où il fut chaleureusement accueilli. On l'enduisit d'huiles précieuses puis Shamat voulut le conduire devant Gilgamesh, mais celui-ci, perturbé par le songe qu'il avait fait, refusa qu'il pénètre dans sa demeure. Shamat recueillit alors Enkidu et lui enseigna tout de la civilisation et de la morale humaine. Enkidu vécut heureux pendant plusieurs semaines, mais le comportement tyrannique de Gilgamesh l'agaçait. Et un jour, ce qui devait arriver, arriva. Alors qu'il assistait au mariage de deux de ses nouveaux amis, Enkidu vit débarquer un Gilgamesh bien décidé à exercer son droit de cuissage et à récupérer la mariée : "L’épouse destinée, il la féconde. Lui le premier, les maris ensuite". Furieux, il se leva et provoqua le roi, lui reprochant son arrogance et son comportement immoral. Les deux hommes engagèrent une lutte féroce. Mais aucun d'entre eux ne parvint à prendre le dessus... Le roi aux deux tiers dieu et l'homme d'argile aux essences divines étaient tout aussi puissants. Le combat était égal, et quand les deux rivaux s'en aperçurent, leur surprise fut si grande qu'ils baissèrent les armes. Ils se rendirent mutuellement hommage et, de là, nacquit une inébranlable amitié. Gilgamesh et Enkidu devinrent un duo inséparable. Un peu loupé, Enki, non ? 

 



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30/06/2016
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L'Epopée de Gilgamesh : Exploits héroïques d'Enkidu et Gilgamesh

   Devenus d'inséparables amis, Enkidu et Gilgamesh vécurent heureux à Uruk. Guère longtemps, cependant. Car l'intrépide Gilgamesh brûlait de tester sa puissance et d'accomplir un exploit, afin d'acquérir l'immortalité par la légende. La mort l'effrayait par dessus tout et, à défaut de pouvoir vivre sans fin, il désirait que l'on se souvienne de lui. C'est pourquoi il prit la ferme décision de s'en aller combattre le démon Humbaba. Gardien de la forêt des Cèdres tenant sa fonction du dieu Enlil, Humbaba était d'apparence terrible. Il possédait les crocs d'un dragon, la face d'un lion et les serres d'un rapace, et son cri glaçait d'épouvante quiconque l'entendait. S'en prendre à lui revenait de plus à énerver les dieux, qui tenaient à la forêt des Cèdres et à son protecteur. Mais Gilgamesh n'en avait cure.

 

humbaba_by_emmanuelgiladi.jpg

 

Afin de ne pas paraître si tyrannique qu'il l'était, il consulta une nouvelle fois son Parlement. Mais les jeunes hommes ne le soutinrent pas, cette fois-ci. Comme les Anciens, ils trouvèrent l'opération risquée et inutile, et Enkidu se rangea à leur avis. Gilgamesh en fut contrarié et décida d'ignorer une deuxième fois l'avis de ses conseillers : il allait partir, peu important ce que son peuple en pensait. Il demanda cependant l'aide d'Enkidu, car il voyait en lui, non seulement un ami, mais un allié de taille, sa force égalant la sienne. Celui-ci accepta, inquiet de voir son nouveau camarade se lancer seul dans une folle aventure, et reçut de multiples conseils de la part des Anciens. Il emmena également Gilgamesh consulter sa mère Ninsun, qui pria le dieu Shamash et le supplia de ne pas défendre Humbaba. Puis les deux amis se mirent en route.

Grâce à leur incroyable stature, ils ne mirent que trois jours à atteindre la forêt de Cèdres, quand le voyage aurait dû durer un mois et demi. Durant tout le trajet, Gilgamesh pria Shamash, à l'instar de sa mère. En arrivant devant l'antre de Humbaba, les deux hommes découvrirent des arbres hauts de soixante-douze coudées, ce qui fait environ trente-trois mètres. Ils les contemplaient quand retentit le fameux cri du démon. Cela glaça le sang d'Enkidu, déjà peu certain du bien fondé de l'opération, et il voulut faire demi-tour. Mais Gilgamesh lui redonna du courage grâce à un discours enflammé :

 

"Fais retentir ta voix comme un tambour ! Loin de toi la paralysie des bras, la faiblesse des genoux ! Prends-moi la main, ami : Marchons ensemble ! Que ton cœur brûle pour le combat ! Méprise la mort, Ne pense qu’à la vie ! Qui veille sur quelqu’un doit être à toute épreuve ! Qui marche devant l’autre le préserve, garde sauf son compagnon. Jusqu’à leur plus lointaine descendance, ils se seront acquis la gloire."

 

Enkidu reprit confiance et pénétra en premier dans la forêt. Ce fut alors au tour de Gilgamesh de se sentir moins assuré, mais il ne le montra qu'à peine. Humbaba les découvrit et partit d'un gros rire en comprenant qu'ils venaient pour le tuer. Il s'adressa alors à Gilgamesh :

 

"Des fous, des inconscients, t’auraient-ils conseillé Gilgamesh, que tu sois venu m’affronter ? Hé ! Enkidu, enfant de poisson qui n’a jamais connu son père et, pas plus que les tortues, n’a jamais tété sa mère ! En ton jeune âge je t’observais et me gardais de te fréquenter ! À présent, si je te tue, j’en aurai l’âme épanouie !"

 

Le roi laissa paraître ses doutes et Enkidu, qui le sentait flancher, l'exhorta à son tour au combat. Les deux amis firent face ensemble, levèrent leurs armes et frappèrent le géant. Ils parvinrent à légèrement le blesser, mais la riposte menaçait d'être douloureuse pour eux. Quand soudain, Shamash intervint. Sensibilisé à leur cause par toutes les prières qu'il avait reçu, il déchaîna sur Humbaba les treize grands vents : du Nord, du Sud, d’Est, d’Ouest, Souffleur, Rafales, Tourbillons, Mauvais, de Poussières, Morbide, de Gel, Tempête et Tornade. Le démon se retrouva immobilisé, incapable de lutter contre la force des bourrasques qui lui arrivaient de tous côtés. Gilgamesh leva son arme pour lui porter le coup fatal, mais Humbaba le supplia de lui laisser la vie sauve, lui promettant les meilleurs bois de sa forêt. Enkidu n'y vit qu'une ruse et rappela à son ami que son but était d'entrer dans la légende en tuant un démon. Il craignait également que si l'affaire durait trop longtemps, les dieux ne s'en mêlent et ne défendent leur serviteur. Il le poussa donc à abattre Humbaba et il commit là la plus énorme des erreurs - mais nous y reviendrons plus tard. Gilgamesh frappa le géant à cinq reprises, jusqu'à ce qu'il rende son dernier souffle, et d'épaisses ténèbres s'abattirent sur la forêt. Le roi et son compagnon coupèrent une grande partie des Cèdres et arrachèrent la tête de Humbaba, pour la ramener en guise de trophée. Puis ils firent rouler les troncs jusqu'au fleuve, où ils les attachèrent ensemble. Ainsi, ils rentrèrent à Uruk en flottant sur l'eau, avec la tête de leur ennemi. Derrière eux grondait la colère d'Enlil.

A leur arrivée à Uruk, les amis ne reçurent pas les félicitations de tout le peuple. Une partie, cependant, fut charmée par l'exploit qu'ils venaient de réaliser, et la déesse Ishtar, la sœur de Shamash, tomba amoureuse du courage et de la force de Gilgamesh. Elle lui demanda sa main, lui promettant richesse et honneur en retour. Mais Gilgamesh la repoussa avec dédain, lui rappelant que son anicen mari, le dieu Tammuz, avait connu une fin tragique. Il l'insulta même, assurant qu'il connaissait ses infidélités :

 

"Non, je ne veux pas de toi pour épouse ! Allons ! Je révélerai tes prostitutions. Tammuz, l'amant de ta jeunesse, année par année, tu l'as voué à la lamentation. L'oiseau, le bariolé, tu l'aimas, et tu le frappas et tu brisas son aile ! (...) Tu n’es qu’un fourneau qui s’éteint dans le froid, une porte qui laisse passer les courants d’air, un palais qui s’écroule sur ses défenseurs, un éléphant qui jette bas ses harnais, un bitume poisseux, une outre percée, un mortier friable, un bélier qui démolit les remparts amis, une chaussure qui blesse le pied."

 

gilgatau.jpgNotez cette phrase, si vous avez un jour besoin d'insulter quelqu'un avec originalité. Mais ne l'adressez pas à une déesse. Car Ishtar, furieuse et vexée, supplia Anu de la venger en déchaînant le Taureau Céleste sur Uruk. Elle menaça de détruire les remparts des Enfers si son ainé n'acceptait pas, alors Anu accéda à son désir mais lui fit promettre de parer à la famine qu'allaient déclencher les ravages de l'animal, car le peuple n'était pas responsable de ses déceptions amoureuses. Il lui remit la longe du Taureau Céleste et Ishtar le lâcha tout près d'Uruk. L'animal, avant d'attaquer, étancha sa soif dans le fleuve, lequel diminua de moitié. Puis il s'ébroua, et le sol trembla, détruisant une grande partie de la cité d'Uruk. Enfin, il chargea. Ses seules cornes tuèrent mille cinq cents habitants et détruisirent les réserves de nourriture, mais Enkidu parvint à les attraper et à enfoncer sa lame dans le cœur de l'animal, metant immédiatement fin à la vengeance d'Ishtar. La déesse, humiliée, se mit à pleurer et à hurler. Enkidu se saisit de la patte - ou, selon les versions, du sexe - du Taureau Céleste, la trancha et la jeta à sa figure, complétant l'affront. Gilgamesh, quant à lui, récupéra les cornes du Taureau et les fit orner d'or et de lazulite pour les offrir à son père. La journée s'acheva par une grande fête au palais.

 

 

 

/Spawy

 


04/07/2016
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L'Epopée de Gilgamesh : Mort d'Enkidu

   Suite aux épisodes de la forêt des Cèdres et du Taureau Céleste, Enkidu fut assailli par des rêves de mauvais augure qui troublèrent sa joie et sa fierté d'avoir accompli des exploits auprès de son ami Gilgamesh. Une nuit, il se vit transporté dans le royaume des dieux et assista à une délibération dont il comprit que Gilgamesh et lui étaient les sujets. Enlil réclamait leur mort immédiate mais Shamash défendait le roi, par égard pour sa mère Ninsun, qui le priait tous les jours. Il expliquait qu'il était intervenu dans le seul but de protéger le fils de sa prêtresse mais qu'il ne cautionnait pas l'exécution du démon protecteur de la forêt des Cèdres. Après de houleux échanges, les dieux parvinrent à un accord. Seul Enkidu allait mourir pour venger la mort de Humbaba et du Taureau, et le roi allait être épargné.

Enkidu s'éveilla paniqué. Il courut trouver Gilgamesh et lui raconta la scène à laquelle il venait d'assister. Ensemble, ils prièrent Enlil, qui ne leur répondit pas, puis allèrent trouver Shamash pour le supplier d'intervenir encore. Devant lui, Enkidu maudit ceux qui l'avait extrait de sa vie sauvage, et particulièrement la courtisane. Mais Shamash le gronda. Il le trouvait ingrat envers cette femme qui l'avait vêtu, nourri, abreuvé, et qui lui avait trouvé un compagnon tel que Gilgamesh, devenu son meilleur ami. Enkidu fut touché et retira sa malédiction. Cependant, Shamash lui expliqua qu'il ne pouvait rien faire pour empêcher sa mort, Enlil escomptant bien être vengé d'une manière ou d'une autre. Les deux compagnons s'en retournèrent bredouilles et le lendemain, une douleur terrible saisit Enkidu aux entrailles. La maladie envahit son corps, le rongeant de l'intérieur. Il fut contraint de s'aliter et plusieurs jours durant, il lutta contre la fièvre qui le gagnait. A l'approche de la mort, il aperçut devant lui les Enfers et les décrivit à Gilgamesh qui restait à son chevet. Le roi fut tétanisé par cette image que son ami lui dépeignait. Et le douzième jour de son agonie, Enkidu mourut dans les bras de son ami. Gilgamesh, éploré, refusa de lâcher le corps et pendant six jours et six nuits, pleura en le serrant contre lui. Il fit vœu de se laisser pousser les poils et la barbe, tel l'homme sauvage qu'avait été son ami, et de quitter ses belles parures pour ne plus revêtir qu'une peau de lion.

 

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Quand il dût finalement lâcher le corps sans vie d'Enkidu, Gilgamesh fut saisi par une effroyable peur : un jour, ce serait à son tour de mourir dans la souffrance pour rejoindre les Enfers. La vie de légende ne lui suffisait plus, il fallait qu'il acquiert une véritable vie éternelle. Terrifié, à bout de nerfs, il rassembla un petit bagage et s'enfuit de la ville, bien décidé à se rendre sur l'île des Bienheureux où, disait-on, vivait Outnapishtim - à vos souhaits -, le héros du Déluge. Des centaines d'années plus tôt, lorsque les dieux avaient déchaîné les flots pour détruire l'humanité et recommencer la création, Outnapishtim, prévenu par Enki, avait construit une arche gigantesque dans laquelle il avait fait entrer des spécimen de toutes les espèces d'animaux présentes sur Terre. Le carnage avait été total, et seuls ceux qui étaient montés dans le bateau avaient survécu. Au bout de six jours, Outnapishtim avait envoyé une colombe à la recherche d'une parcelle de terre sèche, mais l'oiseau était revenu bredouille. Plus tard, il avait envoyé un corbeau. Et celui-ci n'était jamais retourné sur l'arche ; c'était la décrue. Lentement, l'eau s'était retirée, et les dieux, admiratifs du courage d'Outnapishtim et légèrement penauds, avaient confié à ce héros l'immortalité. Tout ceci ne vous rappellerait-il pas quelque chose ? Hé oui, dans la mythologie mésopotamienne, l'arche de Noé existe déjà ! Tout est identique, à l'exception du prénom du sauveur de vies.

 

homme-scorpion.jpgA force de marcher, Gilgamesh atteignit les Monts Jumeaux, porte d'entrée et de sortie du Soleil. En effet, les croyances voulaient que le Soleil se couche sous terre durant la nuit et ressorte chaque jour par un tunnel, présent entre ces deux montagnes. L'ennui, c'est que les Monts Jumeaux étaient gardés par un couple d'Homme-scorpions, un mâle et une femelle. A leur vue, Gilgamesh se sentit pâlir et dissimula son visage avec ses mains. Il se ressaisit vite cependant et, afin de se sauver, s'inclina devant eux. Le couple le regarda et s'aperçut qu'il était composé aux deux tiers comme un dieu... Il décida donc de ne pas l'attaquer et lui demanda plutôt où il se rendait. Quand Gilgamesh leur eut expliqué ce qu'il avait l'intention de faire, les deux Homme-scorpions le prévinrent des dangers d'un tel périple mais lui ouvrirent la porte du tunnel du Soleil, en lui expliquant qu'il avait onze heures devant lui, avant que l'astre ne vienne se coucher et ne le brûle.

Dans une obscurité totale, le roi marcha en ligne droite, d'un pas rapide. Au bout d'une dizaine d'heures qui lui parurent interminables, il ressortit enfin, de l'autre côté du monde. Là, il découvrit un jardin magnifique. Des arbres, à la place des fruits, pendaient des pierres précieuses de toutes les couleurs et la mer s'étendait à perte de vue. Au bord du rivage, Gilgamesh tomba sur Siduri, la cabaretière des dieux - parce que les dieux ont aussi le droit de s'amuser. Elle prit peur en le voyant emmitouflé dans une peau de lion. Elle s'enferma dans sa taverne mais Gilgamesh menaça de défoncer la porte si elle n'ouvrait pas tout de suite. Il lui cria qu'il était le célèbre Gilgamesh, le roi d'Uruk, le tueur du démon Humbaba et du Taureau Céleste, et qu'il cherchait l'île des Bienheureux. Siduri douta de sa parole, n'imaginant pas qu'un roi se promène dans un tel accoutrement, et lui répondit à travers le bois de la porte qu'il n'avait aucune chance de trouver le chemin :

 

"Gilgamesh, où donc cours-tu ? La vie que tu poursuis, tu ne la trouveras pas. Quand les dieux ont créé l’humanité, c’est la mort qu’ils ont réservée aux hommes. La vie ils l’ont retenue pour eux entre leurs mains. Toi Gilgamesh, que ton ventre soit repu, Jour et nuit réjouis-toi, Chaque jour fais la fête, Jour et nuit danse et joue de la musique ; Que tes vêtements soient immaculés ; La tête bien lavée, baigne-toi à grande eau ; Contemple le petit qui te tient par la main, Que la bien-aimée se réjouisse en ton sein ! Cela, c’est l’occupation des hommes." 

 

Gilgamesh s'énerva, ne pouvant entendre de telles paroles tant il avait peur de mourir, et Siduri finit par lui expliquer qu'il était encore loin d'être arrivé. Elle lui indiqua la suite du trajet, tout en répétant qu'il se donnait du mal pour rien. Gilgamesh récupéra son petit sac et poursuivit son chemin.

 

 

 

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05/07/2016
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L'Epopée de Gilgamesh : Recherche de l'immortalité

   Pour atteindre l'île des Bienheureux, il lui fallait traverser la mer. Alors Gilgamesh s'en fut trouver le passeur, Ur-shanabi. Agacé par sa rencontre avec Siduri et ne pouvant tolérer un refus, il décida d'effrayer l'homme en hurlant et en faisant tournoyer son épée. Pour prouver qu'il ne rigolait pas, il tua Ceux-de-pierre, les amis rocailleux du passeur (pourquoi demander gentiment, après tout ?) Comprenant que son interlocuteur était fou, Ur-shanabi accepta de lui faire traverser la mer et lui demanda ce qui le mettait dans un tel état de rage. Gilgamesh lui conta la mort de son ami et lui exprima son désespoir à l'idée de connaître une fin aussi tragique. Ur-shanabi se montra compréhensif, mais l'informa que la traversée allait être retardée, par la faute même de Gilgamesh. En effet, c'étaient Ceux-de-pierre qui lui permettaient de flotter sur l'eau. Le roi se sentit bête un instant, mais Ur-shanabi lui confia la mission de construire un radeau, pour se rendre sur l'eau de manière plus conventionnelle. Gilgamesh ne fit plus d'esclandre et s'en fut couper du bois avant d'assembler les troncs. Ainsi, les deux compères purent embarquer pour trois jours de voyage jusqu'aux eaux de mort. Ur-shanabi prévint Gilgamesh qu'il ne devait en aucun cas toucher l'eau, celle-ci pouvant aspirer ce qui lui restait de vie - c'aurait été ballot, après un tel périple à la recherche de l'immortalité.

 

gilgamesh meets utnapishtim.png

 

Outnapishtim vit arriver de loin leur embarcation et se demanda où avaient pu passer Ceux-de-pierre. Gilgamesh se garda bien de le lui expliquer quand il mit pied à terre. Il regarda autour de lui mais ne put fixer son regard sur quelque chose, le paysage changeant au grès de ses sentiments. Outnapishtim l'interrogea et il lui décrivit sa peur panique de mourir, la tragédie qui l'avait frappé et le périple qu'il avait accompli. Outnapishtim trouva qu'il exagérait beaucoup ses souffrances alors qu'il était roi, surpuissant et respecté. Il ne comprit pas bien la frayeur qui avait envahi Gilgamesh mais il lui proposa de s'asseoir, afin de lui raconter comment lui-même était devenu immortel. Ce fut une déception pour Gilgamesh, car après un long récit du Déluge, Outnapishtim lui révéla que son immortalité lui avait été conférée, ainsi qu'à son épouse, par Enlil, pour services rendus. Or jamais le dieu, que Gilgamesh avait énervé et n'avait jamais aidé, n'allait lui faire le même cadeau ! L'échec était d'autant plus cuisant qu'Outnapishtim lui fit remarquer qu'il avait perdu du temps et s'était fatigué inutilement avec le voyage qu'il venait d'accomplir. Gilgamesh était abattu. Avant qu'il ne reparte, Outnapishtim lui proposa néanmoins un petit test. S'il parvenait à rester six jours et sept nuits sans dormir sur l'île des Bienheureux, cela signifierait qu'il était digne de recevoir l'immortalité, et qu'il pourrait la supporter.

Gilgamesh releva le défi et le sommeil vint le frapper. Il ne lui résista qu'une seconde, puis s'assoupit. L'épouse d'Outnapishtim voulut le réveiller sur le champ et le laisser retourner chez lui, mais Outnapishtim lui répondit qu'avec le tempérament de Gilgamesh, il valait mieux faire cuire chaque jour une ration de pain et la déposer devant ses pieds. Ainsi, le couple cuisina sept morceaux de pain avant que Gilgamesh ne s'éveille. Le plus ancien était devenu rassis tandis que le plus récent était frais et odorant ; ainsi, Outnapishtim put prouver au roi qu'il avait bien échoué et dormi pendant sept nuits complètes. Son désespoir fut total. Amorphe, il se laissa trainer par Outnapishtim et Ur-shanabi jusqu'aux bains, où ils le lavèrent, le rasèrent, le parfumèrent et jetèrent sa vieille peau de lion sale. Il fut ensuite déposé sur le radeau et il allait rentrer bredouille quand l'épouse de l'immortel eut pitié de lui. Elle s'approcha de lui et assura qu'il n'était pas venu pour rien, car elle allait lui révéler un secret :

 

"Gilgamesh tu es venu ici, tu a peiné, as fait grand voyage. Que te donnerais-je pour t’en retourner au pays ? Je vais te révéler cette chose cachée, t’informer, toi, d’une chose réservée aux dieux. Il est une plante, une sorte d’épine, qui te meurtrira les mains comme une rose, mais qui, si tes mains s’en emparent, te donnera la vie, à travers une éternelle jeunesse."

 

L'espoir envahit de nouveau le roi. La femme lui expliqua que la plante se trouvait tout au fond des eaux de la mort et que s'il ne remontait pas avec, il mourrait d'avoir plongé. Gilgamesh choisit de prendre le risque et s'attacha de lourdes pierres aux jambes, pour couler à pic. A l'endroit que lui indiqua la femme, il se jeta dans l'eau, et ramassa une minuscule plante qui lui transperça la main. Il se libéra des roches et nagea jusqu'à la surface, en tenant fermement son trésor. Ca y était ! Il avait réussi. Il brandit la plante devant Ur-shanabi et déclara qu'ils repartaient vers le jardin. Outnapishtim conseilla au passeur de suivre Gilgamesh jusqu'à Uruk et de renoncer à ses aller-retours sur la mer. Celui-ci accepta et, une fois la traversée accomplie, poursuivit le chemin avec Gilgamesh. Les deux compagnons marchèrent jusqu'au tunnel du Soleil et attendirent que l'astre en soit sorti pour l'emprunter dans le noir. Ils repérèrent un trou d'eau claire dans lequel le roi eut envie de se baigner pour patienter. Il lâcha quelques minutes la plante et retira ses vêtements, avant de se prélasser dans l'eau. C'est alors qu'un serpent, attiré par l'odeur de l'herbe magique, se jeta sur elle, la croqua, et s'en retournant, rejeta toutes ses écailles. Tous ces efforts n'avaient finalement bien servi à rien.

 

"Gilgamesh demeura là, prostré, il pleura. Les larmes ruisselant sur ses joues, il dit à Ur-shanabi : Pour qui mes bras se sont-ils épuisés ? Pour qui le sang de mon cœur a-t-il coulé ? Je n’en ai tiré aucun bienfait."

 

Le désespoir était total. Gilgamesh et son compagnon de fortune traversèrent sans entrain le tunnel du Soleil et marchèrent jusqu'à Uruk. Là, face aux remparts, le roi sentit sa gorge se dénouer, et il ne put s'empêcher d'expliquer avec beaucoup de fierté à Ur-shanabi comment sa cité était construite. Il comprit alors qu'il aimait cette ville et en être le souverain.

 

Ainsi se terminèrent les aventures de Gilgamesh, roi d'Uruk.

 

 

 

/Spawy


05/07/2016
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